Tout seul, voilà où j'en suis rendu.
Pas que je n'ai jamais eu d'amis, pas que j'ai tout le temps été rejeté par mes pairs, non. C'est plus compliqué que ça, bien plus compliqué. Au fond ma vie se résume en deux périodes: celle où j'étais aveugle (c'est une métaphore) et celle où je vois. Cette nouvelle période viens de s'ouvrir, il y a quelques mois, précedée d'une autre période de quelques mois elle-aussi, que j'appellerais l'obscurantisme. Tel le moyen-âge pour l'humanité, période sombre qui ramèna l'homme à ses plus bas instincts, après les civilisations majestueuses de l'antiquité, avant les lumières et la science de la renaissance.
Tout n'a bien-sûr pas été si blanc ou noir dans l'histoire humaine tel qu'on nous l'enseigne, et ainsi tout n'a pas été si blanc ou noir pour ma vie, telle que je vais vous la raconter.
PapadeLaulau aime les fleurs, il aime s'occuper de sa collection de photos, il aime partir à la campagne et dénicher des orchidées dont AmidupapadeLaulau lui a parlé. Il n'aime pas quand il ne retrouve pas la télecommande, il n'aime pas quand MamandeLaulau a mal fait la cusine, il n'ai...
Hum...
J'aurai pas dû regardé Amélie Poulain ce soir. Certains la trouve magique, poètique, j'ai simplement trouvé qu'elle avait un sourire de psychopate. C'est grave Docteur?
2 Mars 1986: Paris XIV
Martina en a marre de cette vie de merde, Friedrich l'a plaquée pour une Française à gros seins. "Ich liebe dich" qu'il disait, tu parles... Tous les mêmes ces salauds, la taille des nichons c'est la seule chose importante pour eux. Martina hésitait à se jeter par la fenêtre, après avoir réflechi elle en arriva à la judicieuse conclusion que sauter du haut du premier étage n'était peut-être pas la meilleure façon de procéder.
Martina était sage-femme, elle donnait la vie. Monique était sage-femme, elle n'aimait pas la vie. La vie, ce grouillement d'êtres diformes, puants, gluant. Si Monique était devenu sage-femme c'était, selon ses propres mots, pour combattre le mal à sa source. Quoi de plus vivant qu'un nouveau-né? Quoi de plus diforme, puant et gluant?
Comme un maniaque de la propreté qui ne peut s'empècher d'aller sonner chez ses amis, aspirateur à la main, quand il connait l'état de leur appartement, Monique avait pour mission d'enlever à ces bébés toute trace de cet évènement diabolique qu'est la naissance.
Ce jour-là, Brigitte, enceinte de huit mois et une semaine, arriva à la clinique, elle perdait les os. Martina aurait dû s'occuper d'elle, mais elle n'était pas là. Rodriguez de la sécu la cherchait depuis deux heures, elle avait disparu après la pause déjeûner. Après une houleuse discussion, la chef de service obtint de Monique qu'elle la remplaçat non sans avoir négocié des heures de garde en moins. Monique avait une mission mais travailler pour du beurre, foi de Monique, on l'y verrait pas de si tôt.
C'est ainsi qu'à seize heures, l'utérus de Brigitte laissait pour la première fois sortir un être nouveau. Elle le trouvait beau, ce petit être, elle pleurait, Bernard serait sa main, c'était un des plus beaux jours de sa vie, c'était beau, tout simplement, exactement comme dans les séries américaines quand un bébé nait, c'est toujours beau et ça donne envie de pleurer. Elle avait un bébé, et avant sa grande soeur en plus!
Monique sentit une perle de sueur se former sur son front. Comme une dizaine de fois chaque jour la nausée l'envahissait, il fallait se dépêcher, cet être impur devait être débarasser de toutes ces souillures. Et ce père qui ne se dépechait pas, pourquoi mettent-ils toujours deux heures à couper ce putain de cordon?
Sans amour elle prit le petit Laurent des bras de sa mère. Comme une machine elle nettoya, elle prenait son pied, elle était programmée pour ça, enlever tout ce sang, ces morceaux de placenta, ça la soulagait d'enlever toute trace de cette création de la vie.
Manié comme un objet le petit Laurent pleurait, il sentait la haine de cette femme pour lui, il sentait qu'on ne voulait pas de lui, il voulait retourner là où il était bien, un endroit dont on l'avait sorti. Tout d'un coup des mains l'attrapèrent, ces mains-là étaient différentes, elles étaient douces, elles étaient chaudes, elles étaient agréables. Bientôt ce fût tout son être qui se retrouva entouré de cette chaleur, de cette douceur, de ce bien-être. Cet endroit était merveilleux.
Il découvrait les bras d'une mère, il découvrait l'amour.
Ce moment, gravé dans son inconscient, ne devait plus le quitter.