Se lever tard, allumer son pc, se faire une clope, la fumer en lisant ses mails, une journée comme tant d'autres qui commence. J'aurai pu sortir de chez moi, pourquoi faire? On ne m'attends nul part, et pas de courses à faire. Une journée entière dans vingt mètres carrés, rien de dérangeant, pourquoi aller ailleurs quand on est bien chez soi? Un jour ou l'autre il faudra se bouger. En attendant, quelques heures de cours par semaines, un second semestre qui sera un peu plus chargé, la seule chose à faire, pour l'instant, valider cette année.
Printemps 1988: Paris XIII
Le nouvel être a été accepté, plus ou moins bien, la routine recommence à s'installer. Tout les jours il va chez Nounou, il l'aime bien, elle lui apprend la vie. Sa maison est petite, elle vit modestement depuis quarante ans, au milieu de cette foule métropolitaine où l'on croise plus de chinois que de Français. Française, elle l'est, et fière de l'être, mais les étrangers, içi ou ailleurs, ne la dérangent pas. Une partie des clients de son mari le sont, d'ailleurs, étrangers, ils ont su reconnaître la qualité des garages Renault. Le contraire ne lui aurait, d'ailleurs, même pas traversé l'esprit.
Le matin, Laurent arrive au bras de sa mère, dans la cours l'attends Anar, le berger-allemand, attaché en bas des marches qui mènent chez Nounou. Pourtant, un matin, sa mère prend un autre chemin, elle l'amène dans un batîment bizarre, tout est grand, tout est large et haut. Elle traverse un couloir et ouvre une porte.
La rentrée, quelle corvée! Tout les ans la même chose, ça crie, ça pleure, elle en était à sa dix-huitième, madame Clerault. Ces enfants si mignons, ça lui déchirait le coeur de voir ces petits êtres si malheureux. Mais l'experience aidant, au fil des années, elle s'était blindée. Un petit nouveau venait encore de franchir la porte, la dame lui tenant la main était sa mère, elle l'avait rencontrée quelques jours plus tôt, une petite dame bien gentille mais rien n'y faisait, ses airs d'executive-woman la lui rendait antipathique; voir quelqu'un qui a réussi là où on a loupé sa voie, ça met toujours en rogne. Après un bref échange de mots elle lui confia l'enfant et s'en alla.
Tout ces gens, tout ces cris, cette ambiance oppressante, ça le terrifait, Laurent n'avait pas l'habitude. Heureusement sa... Non! Elle n'était plus là! Il était dans un endroit pire que l'enfer, et il était seul, maman n'était plus là. Il regardait de tout les côtés, introuvable... Puis ses yeux tombèrent sur la porte, elle était repartie, comme quand elle l'amène chez nounou.
Le monde autour de lui n'éxistait plus, il devait la retrouver, c'était son seul salut, sa seul chance de survie dans cet environnement effrayant et menacant. Il s'élanca, passa la porte et vit sa mère disparaitre à l'angle du couloir. Il avait peu de temps, bientôt elle aurait quitté le batiment. Il courut aussi vite que ses petites jambes pouvaient le lui permettre et la rattrapa juste à temps. Il s'aggrippa à elle en pleurant, la serrant de toutes ses forces. Elle lui passa la main dans les cheveux et le pris dans ses bras. Ce qui s'ensuivit n'a que peu d'importance, il était dans les bras de sa mère et il était bien, le monde aurait pû s'écrouler sans qu'il s'en apercoive. Elle le posa le sol et lui montra quelques jouets, avec lesquels Laurent, intrigué, ne pût s'empêcher de jouer.
Il tourna les yeux vers elle pour lui communiquer sa joie, et ne vit personne. Elle avait à nouveau disparu. Fort de son expérience, il n'hésita pas cette fois-ci à courir directement vers la porte, puis à traverser le couloir. L'angle du couloir passé, il ne vit que le vide, cette fois elle avait bel et bien disparue. Il allait devoir se débrouiller seul, mais il n'en était pas question! Après être revenu dans la classe il entreprit de crier à tout va, imitant l'exemple de certains de ses camarades, afin de manifester son mécontentement.
A côté de lui, debout au centre d'un cerceau, pleurait pierre. Il allait devenir son premier copain.
Madame Cleraut ne prêtait même plus attention à tout ces hurlements. Autrefois émue par les cris, elle les faisait maintenant cesser en montrant à leurs auteurs, un désintérêt total. Technique que le petit garçon ne devait comprendre que dix-sept ans plus tard.